La loi: son entrée en vigueur,
sa disparition
Avant d'être appliquée, la loi doit être
préparée et votée.
Quand la loi émane du gouvernement, on parle
de projet de loi et quand la loi provient d'un
parlementaire on parle de proposition de loi.
Ce projet ou cette proposition est étudié
successivement par les deux chambres du Parlement (Assemblée
Nationale et Sénat). On appelle cela la 'navette':
l'objectif est que les deux chambres se mettent d'accord
sur la rédaction définitive de la future
loi (les parlementaires ont un droit d'amendement pendant
la navette). Quand cet objectif est atteint, le texte
peut être voté par les deux chambres.
Le texte est alors voté par l'Assemblée
Nationale en des termes identiques au dernier mot du
Sénat. Parfois le gouvernement, quand il y a
désaccord entre les deux chambres, peut faire
adopter le texte malgré le désaccord du
Sénat après la réunion d'une commission
mixte paritaire (cf article
45 de la consitution). Cette commission est composée
de 7 députés (Assemblée Nationale)
et de 7 sénateurs (Sénat) pour but d'élaborer
un texte suceptible d'être adopté par les
deux chambres.
Mais, pour entrer en vigueur, il faut respecter certaines
conditions.
I - Conditions
A) promulgation
L'article 1 du code civil énonce que "les
lois sont exécutoires dans tous le territoire
français, en vertu de la promulgation qui en
est faite par le président de la République".
Cette procédure concerne seulement les lois au
sens formel (celles votées par le Parlement)
et non les règlements qui sont exécutoires
par nature.
1) la procédure de
promulgation
Promulguer une loi est une des prérogatives
du président de la République (cf article
10 de la consitution). Elle s'effectue par décret
qui doit être fait dans les 15 jours qui suivent
la transmission au gouvernement de la loi définitivement
adoptée.
Mais selon ce même article
10, le président de la République
peut, avant l'expiration du délai de 15 jours,
demander au Parlement une nouvelle délibération
de la loi ou de certains de ses articles (c'est un pouvoir
important mais limité dans le temps: après
le vote définitif mais avant la promulgation).
Le délai de promulgation est suspendu quand
le conseil constitutionnel est saisi d'un recours en
contrôle de constitutionnalité de la loi
votée par le Parlement.
2) les effets de cette promulgation
La promulgation:
atteste de l'existence de la loi, de la régularité
de la procédure législative
confère au texte voté le caracère
authentique, elle authentifie la loi
donne l'ordre aux autorités publiques d'observer
la loi et de la faire observer, le texte est rendu exécutoire
B) publication
La publication est l'acte matériel d'exécution
de la promulgation, consistant à impromer dans
un document officiel le texte promulgué. Cette
publication est opérée par une insertion
au Journal Officiel (JO). Cette procédure est
exigée pour les lois mais aussi pour les décrets
(même s'il n'y a pas promulgation) et les traités
ratifiés.
L'effet de la publication est nette: la publication
est indispensable à l'exécution d'une
loi. L'article 1 du code civil prévoit que les
lois "seront exécutées dans chaque
partie de la République, du moment où
la promulgation en pourra être connue".
Ainsi, la publication rend la loi obligatoire et, à
défaut, tant que le texte n'est pas publié,
il n'est pas obligatoire (les citoyens ne sont pas censés
en avoir eu connaissance).
Une difficulté se pose quand le texte publié
(ou une partie) est entaché d'inexactitudes,
c'est-à-dire qu'il diffère du texte promulgué.
Dans ce cas, le gouvernement peut faire paraître
un rectificatif appelé 'erratum' pour réparer
le(s) erreur(s)/omission(s).
La pratique des 'errata' rend certains perplexes quant
à leur nature juridique car il y a deux situations:
le rectificatif est légitime quand il a pour objet de réparer
une erreur matérielle suffisamment apparente
à la seule lecture du texte (erreur de frappe).
Dans ce cas, les tribunaux considèrent que le
rectificatif s'incorpore à la loi corrigée
et revêt la même force qu'elle.
il n'est pas par contre possible de prendre par la
voie du rectificatif une disposition qui aurait pour
résultat de modifier la portée du texte
voté. Les tribunaux ont ainsi déclaré
sans valeur un rectificatif apparaissant comme une disposition
nouvelle ayant pour but de restreindre considérablement
la portée du texte primitif publié au
Journal Officiel. Un erratum modifiant la portée
de la loi ou d'un décret n'a pas de valeur juridique.
II - Date d'entrée en
vigueur
A) principe
La loi n'est pas obligatoire le jour même de
sa publication.
La date de la publication fait courir 'un délai
d'attente' à l'expiration duquel la loi devient
obligatoire.
Ce délai diffère entre Paris et la province:
- à Paris:
la loi est applicable 1 jour franc après sa
publication au Journal Officiel ex. loi publiée
le 31 mai/applicable le 2 juin à minuit à
Paris.
- en Province:
la loi est applicable 1 jour franc après l'arrivée
du Journal Officiel au chef-lieu d'arrondissement
(préfecture) ex. loi publiée le 31 mai/arrivée
à la préfecture de Quimper le 1 juin
à 18h/applicable le 3 juin à minuit.
B) exception
Dans certains cas, le législateur retarde ou
accélère l'application d'une loi.
Il retarde la date d'entrée en vigueur quand
la loi:
- suppose la mise en place de structures nouvelles
ou une adaptation importante qui nécessite
un certain temps.
- est subordonnée à la publication d'un
décret d'application. Cette solution est indiscutable
quand le législateur a indiqué expressément
(dans le texte de loi) cette subordination et elle
est admise quand la loi ne comporte pas d'indications
suffisantes pour être mise en oeuvre sans éléments
supplémentaires.
[Dans ces 2 cas, la loi n'entrera en vigueur qu'au
jour de la publication du décret d'application.]
Plus rarement, il accélère l'entrée
en vigueur d'une loi en cas d'urgence.
III - Les effets de l'entrée
en vigueur de la loi: la force obligatoire
A) "Nul n'est censé
ignorer la loi"
Cette règle ne signifie pas que tout le monde
connait la loi (utopique) mais que personne ne peut
invoquer son ignorance pour en écarter l'application
pour échapper aux conséquences qu'elle
emporte. Ce serait l'anarchie si l'application des lois
pouvait dépendre des circonstances propres à
ceux qui lui sont assujettis. Cette règle se
justifie ainsi par la nécessité pratique
de la vie en société.
Cette règle est une présomption irréfragable
(par opposition à une présomption simple)
de connaissance de la règle de droit qui pèse
sur tous les sujet de droit: cela ne sert à rien
d'essayer de prouver qu'on a aucune connaissance de
la règle car on est présumé la
connaitre.
C'est une règle lourde de conséquences,
mais qui est tout de même à tempérer
car tout le monde ne connait pas la loi. Il faut voir
au cas par cas.
B) la distinction des lois
impératives et les lois supplétives
1) le classement des règles
en deux catégories
- les lois impératives ou lois d'ordre
publique: ce sont celles qui s'imposent avec une force
absolue. Elles ne peuvent en aucune façon être
écartées par les sujets de droit (cf article
6 du code civil) ex. règle
des congés payés en droit du travail.
- les lois supplétives de volonté
ou interprétatives: elles ne s'appliquent qu'à
défaut de manifestation de volonté contraire
de la part des sujets de droit. La loi ne s'impose qu'à
ceux qui n'ont rien prévu pour régler
tel point de leur vie juridique. On dit dans ce cas
que la loi propose à titre supplétif une
solution dans le silence des partis. Par conséquences,
ces lois peuvent être éludées par
la volonté contraire des personnes qui y sont
soumises ex. en cas de
vente, l'acheteur doit payer le prix au moment et au
lieu où la chose est livrée...
mais on peut déroger à cette règle.
Attention: la force obligatoire existe toujours dans
ce type de loi, elle est juste atténuée
car elle s'applique tant que les parties ne l'ont pas
écartée.
2) le critère de
la distinction
La distinction se justifie par la notion d'ordre public.
Celle-ci englobe tous les principes et toutes les règles
d'ordre social et moral que le législateur juge
essentiel pour le bon ordre de la société
et qui, de ce fait, s'impose au respect de tous les
individus.
Traditionnellement, l'ordre public était définit
par référence à l'intérêt
général. Il veille à la sauvegarde
des intérêts de la collectivité
(toutes les lois en rapport avec la famille...). Les
lois relatives à des principes essentiels pour
la société sont des lois d'ordre public.
Celles concernant des intérêts strictement
individuels peuvent être écartées
par les particuliers (ce sont les lois supplétives).
Aujourd'hui, la distinction n'est pas aussi simple.
Au XXème siècle, le développement
du rôle de l'Etat dans la vie économique
a conduit à ajouter, à cette ensemble
de règle, des normes qui constituent ce qu'on
appelle 'l'ordre public économique' et plus précisément
'l'ordre public social' ou 'l'ordre public de protection'.
L'ordre public de protection = ordre public qui intervient
au bénéfice d'intérêts individuels
bien déterminés. La loi ne dit pas toujours
si elle est d'ordre public ou si elle est supplétive.
C'est le juge qui, à défaut de précision
du législateur, devra trancher.
IV - La disparition de la loi
La force obligatoire de la loi est normalement permanente,
mais il faut mettre à part le cas des lois temporaires:
celles qui ne sont destinées à s'appliquer
que pendant une période donnée et sont
donc anéanties à l'arrivée de l'échéance
fixée ex. les lois de finance sont annuelles.
En principe, une loi ne cesse de s'appliquer que par
son abrogation qui a pour effet d'anéantir pour
l'avenir une loi ou un réglement. En effet, une
loi abrogée n'est pas rétroactivement
anéantie: quand il y a abrogation d'une loi,
celle-ci disparaît pour le futur et non pour le
passé (contrairement à l'annulation).
A) abrogation expresse
Quand la loi nouvelle contient une disposition spéciale
d'abrogation de la loi ancienne...
abrogation par ricochet: dans cette hypothèse,
le législateur abroge une disposition à
laquelle une autre loi se réfère. En principe,
cette dernière est considérée comme
abrogée.
abrogation formulée abstraitement: quand le nouveau
texte énonce que "sont abrogées toutes
les dispositions contraires à la présente
loi", il y a une incertitude quand à la
portée de l'abrogation. C'est la cour de cassation
qui va interpréter et controler la portée
exacte de cette abstraction.
B) abrogation tacite
Il y a abrogation tacite en dehors de toute formule
d'abrogation. Lorsque les dispositions de la loi ancienne
sont inconciliables/contradictoires avec celles de la
loi ancienne et incompatibles avec leur maintient.
En effet, dans pareil cas, il n'y a pas d'application
simultanée possible des 2 lois: la loi ancienne
est donc considérée comme abrogée
car elle ne peut être maintenue.
Mais, ce principe est à nuancer en fonction
de la portée des textes contradictoires. A cet
effet, il faut distinguer les lois générales
(qui sont le droit commun, les règles générales)
et les lois spéciales (les exceptions, les solutions
spéciales données à un particulier).
Quand il y a contradictions entre ces 2 lois, l'adoption
d'une loi générale nouvelle n'entraîne
pas en principe l'abrogation d'une loi spéciale
plus ancienne. Cette loi spéciale subsiste comme
une exception à une règle nouvelle (si
le législateur n'a pas prévu autre chose).
C'est l'application du principe "les lois générales
ne dérogent pas aux lois spéciales".
NB: abrogation par désuétude
Le simple fait qu'une loi soit restée sans application
pendant très longtemps suffit-il à considérer
qu'elle n'existe plus, qu'elle soit abrogée par
désuétude?
En principe, si l'on constate seulement l'absence de
mise en oeuvre d'un texte de loi, aucune abrogation
ne serait admise (caractère permanent de la loi).
Mais selon certains auteurs, si dans la vie juridique
il se manifeste des pratiques contraires à la
loi, la solution pourrait être différente.
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